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#1 10/05/2006 07:12:50

BTH
Membre forums FFS et FSE
Lieu: Paris, Normandie et ailleurs
Date d'inscription: 27/01/2005
Messages: 629
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Argile et limon...

Bonjour,

Sur la liste [speleos-fr], lu pour vous, un échange parmi d'autres qui gagne à ne pas disparaître tout de suite dans les tréfonds des archives :

La question

Thierry GEYER a écrit:

Bonjour,

Une petite question terre à terre !
Je souhaite connaître la composition d'un échantillon de terre c'est à dire connaître
la proportion argileuse.

Après avoir mélangé un échantillon avec de l'eau dans un bocal, j'attends le
dépot des différents composants.

L'argile et limon se déposant en dernier mais ayant la même couleur (la
différence est difficilement perceptible), y 'a-t'il un moyen de les
différencier, avec un produit quelconque qui serait uniquement fixé par l'argile ?

J'avais lu quelque chose à propos du bleu de méthylène mais je ne
retrouve pas l'article.

-----------------

Une réponse sérieuse

Michel WIENIN alias Vetus Reptator a écrit:

Il n'est pas possible de répondre de façon précise à ta demande :

1) La principale différence entre argiles et limons est la taille des particules.
Arbitrairement, on « coupe » =  2µm (2 / 1000 de mm) :
plus fin, c'est de l'argile, plus grossier du limon.
Evidemment, dans la pratique la granulométrie d'un dépôt est une jolie courbe de genre Gauss et
la distinction pas évidente. En fait, elle est plus pratique que réellement signifiante.

2) Théoriquement, les particules de limon s'accumulent
relativement rapidement au fond de l'eau tandis que l'argile reste en
suspension plus longtemps et surtout un mélange argile + eau relativement
stable et que tout spéléo connaît bien !

3) Chimiquement, un limon est une sorte de micro-sable formé de
particules arrachées aux roches parcourues par le cours d'eau en amont et
plus ou moins altérées mais pas entièrement : il varie donc en fonction de
ces roches. Inutile de chercher une réaction chimique spécifique.

4) Une argile provient de minéraux siliceux (micas, feldspaths)
plus altérés mais la limite est rarement franche ! Bien sûr, il y en a aussi
plusieurs espèces en fonction des minéraux d'origine et des conditions
d'altération : illite, kaolinite, smectite (montmorillonite, beidellite...)
Inutile là aussi de chercher une réaction chimique spécifique.

Si tu essayes d'utiliser un colorant plus adsorbable par l'argile que par le
minéral moins altéré, tu auras quand même pas mal de mélange.
Ensuite, comment les sépareras-tu ?

Je te conseille de chercher à les séparer en laissant décanter les limons et
en maintenant la phase argileuse en suspension grâce à un émulsifiant :

1) commencer par défloculer l'argile dont les particules ont une forte
tendance à s'agglomérer. Pour ça, ajouter un liquide à bulles. L'idéal est
l'eau oxygénée mais une eau gazeuse riche en CO2 genre Perrier doit faire
l'affaire.

2) ajouter un agent tensio-actif : si tu n'as pas de Lactate de stéaroyle
calcium ou de Mono palmitate de sorbitane, un simple savon un peu gras
devrait faire l'affaire !

3) après trois lavages de ce genre du limon tombé au fond, il devrait être à
peu près débarrassé de la partie argileuse.  Il suffit de peser avant et
après.

Vetus Reptator

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et, comme il se doit, une conclusion courtoise avec des pistes d'approfondissement...

Thierry GEYER a écrit:

Merci pour ces éléments de réponse précise.

J'étais persuadé que le limon était également composé d'éléments d'origine
organique.

La différence entre limon et argile serait donc la roche d'origine
uniquement et sa granulométrie ?

Le but de mon expérience n'est pas de séparer l'argile du reste mais
uniquement de connaître sa proportion.

Une fois devant mon bocal avec mes sables grossiers déposés et ma couche
argilo-limoneuse je cherche juste à la différencier physiquement.

Je vais essayer de suivre tes conseil de lavage...

Merci encore et bonne journée.

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Enfin l'estocade finale

Vetus Reptator a écrit:

La différence de base entre limons et argiles est que les premiers décantent
relativement vite dans de l'eau calme (la gravité l'emporte largement sur la
viscosité de l'eau et les réactions de surface) ; ce sont par excellence les
dépôts de crue (débordement de cours d'eau boueux) mais on connaît également
des limons d'origine éolienne (loess).

Au contraire, les argiles forment des
suspensions dont la décantation se mesure en minutes, heures et parfois
davantage selon nature et finesse.

Il y a naturellement toujours un peu de matière organique dans un limon, en
provenance des sols lessivés par le ruissellement mais c'est un composant
marginal.

Dans un vrai sol (le limon est une roche), la composante organique,
d'origine végétale, est l'humus (carbone cellulosique et dérivés des acides
humique et fulvique).

Le mot "limon" est clair et désigne une roche sédimentaire meuble.
Par contre "argile" ne l'est pas car on emploie le mot aussi bien pour des minéraux
précis (définition minéralogique : un ensemble d'aluminosilicates hydratés à
structure feuilletée = minéraux argileux) et pour des roches formées
majoritairement desdits minéraux (définition pétrographique : roches
argileuses).

Une autre différence est le niveau d'altération des minéraux originels
(feldspaths et micas en particulier) :
faible ou du moins très incomplet dans le cas des limons,
beaucoup plus avancé chez les argiles.

Dans le cas d'une étude avec moyens lourds du genre diffraction X, un limon apparaît
comme un mélange de quartz, micas, feldspaths, calcite, dolomie, lignine...
légèrement altérés; une argile sera comme un minéral différent (ou plusieurs).

Naturellement, l'altération étant un phénomène général, un limon se
transforme lentement en argile mais le processus se mesure plutôt en siècles
ou en millénaires qu'en jours.
Exemple classique : les argiles rouges à oeufs et ossements de dinosauriens du midi de la France sont d'anciens
limons du Crétacé progressivement transformés.

Pour avoir des pourcentages, une seule solution : peser à sec.
Donc :
- sécher complètement l'échantillon étudié  avant toute expérience, le peser.
- Pratiquer la séparation
- Sécher et peser le limon récolté de nouveau à sec.

Une autre solution, peut-être plus pratique pour toi, est celle de la colonne d'eau :

On jette le mélange dans un seau d'eau et on laisse décanter quelques
dizaines de secondes.
Assez pour que le limon se retrouve au fond mais pas encore l'argile.
On vide disons les 4/5 de l'eau et on n'évacue ainsi que de l'argile.
On recommence jusqu'à ce que l'eau reste presque claire et on récupère le limon sur un tamis très fin (genre chinois de cuisine).
On sèche et on pèse.

Cette méthode est pratique mais il faut que le limon soit bien
lavé et elle fait perdre les petits feuillets de mica et beaucoup de
particules organiques qui sont de taille limon mais entraînés en partie avec
l'argile. On peut même se contenter de faire couler de l'eau dans un seau
contenant le mélange et brasser doucement : l'argile est entraînée
progressivement avec l'eau qui déborde. Il faut compter quelques heures wink
mais c'est facilement mécanisable.

Pour info, voici la classification granulométrique classique française de A. Cailleux (début du 20e siècle) :
> 200 mm blocs
20 à 200 mm galets ou cailloux
2 à 20 mm gravillons
0,2 à 2 mm sables
20 à 200 µm sablons
2 à 20 µm limons
< 2 µm pré-colloïdes (argiles)

Les Anglo-saxons coupent souvent différemment :
1/16 mm à 2 mm sands (sables) (62,5 µm à 2 mm)
1/256 à 1/16 mm silts (limons)   (3,9 à 62,5 µm)
< 1/256 mm clays (argiles)

Amuse-toi bien, et la prochaine fois tu pourras t'attaquer à doser le
pourcentage de calcaire dans tes argiles !

Dernière modification par BTH (11/05/2006 01:31:10)


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